Solutions pour une génération prête à la révolte
« C'est une génération qui veut entrer de plain-pied dans une société vieillissante. Elle enrage de piétiner à son seuil. Elle ne veut rien renverser, elle n'est pas en conflit de valeurs, mais elle trouve toutes les portes fermées, et elle envoie un avertissement. »
Le constat est accablant. Dans leur étude publiée cette semaine1, Cécile Van de Velde et Camille Peugny, maîtres de conférences respectivement à l'EHESS et à l'université Paris-VIII, indiquent que 61% des 18-34 ans sont suffisamment amères, en colère, en galère, pour envisager de « participer à un mouvement de révolte de type Mai 68 demain ou dans les prochains mois ».
L’expression de Léa Frédéral2, 23 ans, auteure de « Les Affamés, Chronique d’une jeunesse qui galère »3, est, à ce titre, révélatrice d’une situation devenue insupportable : « Pour notre génération, l’argent n’est pas un tabou car on n’en a pas. Le manque d’argent nous pousse à chercher à en avoir et on passe notre temps à en parler. »
Ils en veulent à la génération 68 qu’ils accusent d’avoir consommé les ressources de leur monde, de ne pas leur faire de place dans la société, dans la politique et l’emploi, et de compter sur leur contribution financière pour financer leur retraite.
Ils ne veulent plus d’un chômage qu’ils subissent et d’un monde qui ne porte pas l’espoir d’une progression mais, au-contraire, la conviction d’un futur déclassement financier et social.
Et on ne peut que les rejoindre dans ces craintes.
La lente fin d’un monde
Depuis 40 ans, l’évolution économique mondiale va vers un creusement des inégalités. L’absence de croissance constatée (>5% en 1950 en France contre <2% actuellement), alliée à un système financiarisé et libéralisé, a entraîné la captation des richesses produites par un nombre de plus en plus réduit.
2013 nous offre une illustration immédiate : en France, 900.000 personnes sont tombées sous le seuil de pauvreté, tandis que les 500 plus riches ont augmenté leur patrimoine de 62 milliards d’euros (soit 124 millions d’€ par personne !). Et « Plus de 1.000 milliards de dollars de dividendes ont été distribués au titre de l'année 2013 dans le monde. », selon un article de La tribune du 24 février dernier4 1.000.000.000.000 $, soit 3 fois le montant des recettes de l’Etat français. Un record !
Un rapport de l’INSEE, datant de 20095, indiquait déjà cette tendance lourde de l’Economie, depuis 40 ans, d’une distribution de plus en plus importante des fruits des entreprises vers les actionnaires, et d’un déséquilibre entre actionnaires et salariés. En 2009, 7% des profits allaient ainsi aux salariés, en sus de leurs salaires, contre 36% aux détenteurs du capital.
Une étude de l’Institut Français de Gouvernement des Entreprises publiée en mai 20136 indique, pour la période 1992-2011, que « en 20 ans, le montant des dividendes versés par les entreprises cotées a été multiplié par 7 ».
Cette situation va perdurer, et même s’amplifier.
Le mouvement d’a-croissance mondiale est maintenant suffisamment durable pour admettre qu’il s’agit d’un mouvement de fond. Nous ne sommes pas en crise mais dans un changement de monde économique et social, ce que confirme notamment Robert Gordon dans une publication du « National Bureau of Economic Research »7.
Un rapport d’information du Sénat, datant de janvier 20118, reconnait dans son préambule que « Sans une amélioration significative du pacte social dans l’entreprise, dans le sens d’une meilleure reconnaissance des salariés et d’une revalorisation du travail, l’économie et la société pourraient s’exposer à de sérieux revers. »
Même les pays les plus libéraux restent confrontés à une a-croissance durable, ou une fausse croissance, à crédit et donc court-termiste et dévastatrice. L’exemple de la Grande-Bretagne, que révèlait Jacques Delorme dans un article des Echos le 11 février dernier9 : « La croissance du Royaume-Uni devrait être de 1,4 % en 2013, soit presque autant que les États-Unis et deux points de plus que la zone euro. S’il convient de saluer cette performance, elle n’en a pas moins reposé exclusivement sur la consommation des ménages et la consommation publique (arrêt de l’austérité budgétaire), jointes à un programme de relance immobilière relativement dangereuse à terme. »
A ce constat de la situation actuelle, il faut ajouter la poursuite, voir l’amplification, du mouvement d’amélioration de la productivité.
Après l’informatisation et les premières automatisations, nous sommes entrés dans une phase d’intensification du mouvement de réduction du temps de travail nécessaire par habitant. Dans la grande distribution, les clients ont été mis au travail10, remplaçant les caissières. Dans les usines, des robots humanoides sont installés11, qui remplacent chacun 3 ouvriers pour un cout identique. (A voir en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=aJjVLo2VpqI#t=34)
Ce mouvement ne fera que s’amplifier, générant, au-moins dans les pays dits « développés », un temps de travail par habitant toujours plus bas.
Bonne nouvelle !
Bonne nouvelle, ce contexte général, et l’échec des politiques menées depuis 40 ans oblige à la mise en place d’une nouvelle organisation économique !
Le gouvernement actuel a fait de nombreux efforts vis-à-vis de l’emploi. Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi12, création de 100.000 emplois d’avenir13 et mise en place des contrats de nouvelle génération14 visaient à améliorer l’emploi, et notamment des jeunes.
Force est de constater que ces mesures n’ont pas suffi à inverser la courbe du chômage15, à la limite des <25 ans placés à durée déterminée dans des emplois d’avenir. Ce qui ne répond pas à la demande massive des 18-34 ans, ni des 35-65 ans, et démontre que l’arrêt économique et la mauvaise répartition des richesses sont des tendances lourdes que les méthodes passées ne suffisent pas à contrecarrer.
Dans le système économique actuel, l’augmentation du chômage, et notamment des jeunes, est une tendance lourde. Une nouvelle organisation économique est nécessaire. Elle peut être mise en place, basée sur la répartition des richesses produites, et nous proposons de mettre à l’étude ses nouveaux outils : nouveaux dispositifs fiscaux16, revenu minimum de base17, gestion monétaire18, réorientation des banques19, investissements très long terme20, notamment dans la transition énergétique, temps de travail partagé21, …
Les montagnes de milliards dont disposent quelques individus dans le monde22 sont une réserve suffisante pour ce partage.
Cela passe bien sûr par une confrontation avec eux, ceux qui possèdent encore et toujours plus de fortunes dont ils font un usage totalement autoritaire. Mais cette confrontation ne s’est jamais arrêtée. Non, la lutte des classes n’est pas terminée23, cette génération des 18-34 ans, par sa révolte, doit permettre de la réactiver.
5 http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/dossiers_web/partage_VA/rapport_partage_VA.pdf
6 http://fr.slideshare.net/lesechos2/etudes-actionnariat-et-dividendes-preuves-lappui
7 http://nouvellevoiesocialiste.blogspot.fr/2014/02/robert-gordon-et-la-fin-de-la.html
8 http://www.senat.fr/rap/r10-227/r10-227.pdf
10 http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/01/20/faut-il-salarier-les-clients_4351235_1650684.html
11 http://actuwiki.fr/eco/inter/31712/#sthash.IrK8BKgT.dpuf
12 http://www.economie.gouv.fr/ma-competitivite/pacte-national-croissance-competitivite-emploi
13 http://travail-emploi.gouv.fr/emplois-d-avenir,2189/
14 http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F31262.xhtml
15 http://www.dailymotion.com/video/x1ahyiy_courbe-du-chomage-pas-d-inversion-pour-hollande_news
16 http://www.uneluaplaisance.com/article-la-tan-proposition-pour-une-revolution-fiscale-117796854.html
18 http://www.chomage-et-monnaie.org/
19 http://nouvellevoiesocialiste.blogspot.fr/2014/02/faire-prevaloir-linteret-general-sur.html
21 http://dechiffrage.arte.tv/2-chomage/contenu/16
23 http://nouvellevoiesocialiste.blogspot.fr/2014/02/la-lutte-des-classes-est-terminee-les.html