L'accueil des moins de 4 ans à la maternelle

Publié le par Rémi Demersseman-Pradel

Au sein de la communauté des professionnels de la Petite Enfance,  l'accueil des moins de 4 ans à l'école maternelle fait débat depuis de nombreuses années. Il est admis assez unanimement que la collectivité ne doit pas intervenir trop tôt dans le développement du Tout-Petit. Il est, de même, admis qu'il faut réduire au minimum les changements de lieu d'accueil avant l'âge de 6 ans. Il est, enfin admis que l'école maternelle "précoce" (2,5 à 3 ans) présente un réel atout dans les zones sociologiquement difficiles.

Le constat :
Le nombre de places de crèches est notoirement trop bas. La création d'une place coûte 40.000 €. Sa gestion coute en moyenne 16.000 € annuels (fonction du nombre d'heures et de jours d'ouverture). Les deux coûts sont, à l'heure actuelle, assurés majoritairement par la solidarité nationale, à travers les subventions de la CAF.

Le nombre d'Assistantes Maternelles qualifiées semble avoir atteint son maximum. Il est en effet difficile de trouver plus de candidates sérieuses, motivées avant tout par le service d'accueil plutôt que un revenu qui peut paraître confortable.

Et il manque tout de même 400.000 places d'accueil des 2-3 ans.

Les propositions :
Le rapport sur la Petite Enfance remis le 23 juillet 2008 par la députée Michèle Tabarot au Premier Ministre propose le passage de 3 à 4 le nombre d'enfants accueillis par chaque Assistante Maternelle ainsi que la création de "jardins d'éveil" dans les locaux des crèches et écoles maternelles, ce qui libérerait des places en crèche pour les tout-petits et réduirait la dépense du ministères de l'Education Nationale en n'accueillant plus les enfants de moins de 4 ans (soit 800.000 enfants de moins à l'école en France).

L'accueil de 4 enfants par Assistante Maternelle, dont 2 ne marchant pas, générera un double souci :
- risque d'attirer de nouvelles Assistantes Maternelles qui ne seraient intéressées que par les revenus issus de la garde de ces 4 enfants
- difficulté de garantir un accueil "maternant" lorsque 2 bébés et 2 "grands" sont présents, en même temps, durant plus de 8 heures, auprès d'une unique personne.

Cette mesure n'est pas une bonne mesure. Il s'agit d'une manière artificielle et dangereuse d'augmenter le nombre de places d'accueil Petite Enfance sans augmenter d'un euro la dépense de l'état. Rappelons que ce sont les parents qui paient directement l'Assistante Maternelle. Les petits revenus n'auront donc pas accès à ces "nouvelles" places. Il est à noter que le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2009, qui reprend cette proposition, a reçu un avis défavorable du Conseil d'Administration de la CNAF qui déplore, entre autres, un "dispositif inadéquat, tant pour les Assistantes Maternelles que pour les enfants gardés, ainsi qu'un accroissement de la charge de travail".

Les jardins d'éveil, eux, présentent un inconvénient majeur en ce qui concerne le développement spychologique du tout-petit. Simplement parce que un enfant qui passerait ses 2 premières années dans une crèche, puis 2 ans dans un jardin d'éveil pour rejoindre ensuite l'école maternelle de 4 à 6 ans et, enfin, l'école primaire, passerait par 4 collectivités en 6 ans. Voire 5 pour les enfants qui ne seraient pas nés à la "bonne période" pour l'entrée en crèche (mois de mai et juin) et qui passeraient, avant cette entrée, quelques mois chez une Assistante Maternelle. Comment respecter la sécurité affective de l'enfant qu'on "balotte" ainsi de lieu d'accueil en lieu d'accueil ?

La dépense, elle, serait assurée par les parents et mairies, ce qui pose un second inconvénient majeur. C'est en effet une manière de faire supporter aux parents et collectivités locales la responsabilité d'avoir les moyens ou pas d'accueillir les tout-petits. Il s'agit de mettre en place une inégalité de service, entre communes ou parents riches et pauvres.

C'est pourquoi le projet de remplacer l'accueil des enfants de 3 ans à la maternelle par des Jardins d'Eveil n'est pas non-plus une bonne solution.

Une fois de plus, les propositions qui sont faites vont dans le sens d'une suppression du Service Public. Le manque de fonds de l'Etat est systématiquement compensé par une baisse de la qualité du service. "Pour ne pas augmenter les impôts, faisons payer, sans le dire ouvertement, le coût du service aux familles (directement ou via les taxes locales)."

Un service public ne peut pas être rentable. Il faut aller chercher les recettes là où elles sont, plutôt que d'arrêter d'aider ceux qui en ont besoin. Et ce n'est pas en "perturbant" les tout-petit qu'on créera les générations de futurs managers et chercheurs qui, parait-il, manqueraient en France pour remonter le PIB.

L'article de La Dépêche présentant l'avis des salariés des crèches de Pibrac à ce sujet.

Publié dans Situation nationale

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